Bien que soutenant les actions du Chef de l’Etat, le député Bani Samari s’oppose à la révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Sans faire la langue de bois, il suspecte le président Yayi Boni de vouloir opérer une révision opportuniste. Il en est même convaincu au regard des agitations et l’insistance provenant du gouvernement pour communiquer sur le projet. Membre de la majorité parlementaire, le député de la 2ème circonscription électorale n’a pas eu sa langue dans la poche au cours de cette interview.
Le Matinal : Lundi 02 septembre dernier, le Chef de l’Etat a échangé au Palais de la Présidence avec les députés de la mouvance présidentielle au sujet de la révision de la Constitution. Etiez-vous de la partie ?
Bani Samari : Je n’étais pas de la partie parce que l’information relative à cette rencontre m’est parvenue quand j’étais encore à Ségbana. Vous savez les difficultés que rencontrent les populations de Ségbana en ce moment. C’est comme si nous, ressortissants de cette Commune, ne sommes pas des Béninois. La route Ségbana-Kandi est coupée depuis dimanche dernier. Plus grave, il y a beaucoup de camions poids lourd qui ont encore créé’ un embouteillage au niveau d’un pont que l’érosion a dégradé. Donc, j’ai eu des difficultés pour joindre Kandi et Cotonou. J’étais venu en retard. Mais, au fait, je n’étais pas enthousiasmé pour prendre part à cette rencontre, car j’imaginais qu’elle était relative à la révision de la Constitution.
Justement, vous savez que la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 défraie la chronique. Quelle est votre position sur la question ?
Beaucoup de gens me demandent ma position. Elle est claire. On a organisé une retraite parlementaire à Parakou en 2012 au cours de laquelle, on nous a fait une présentation sur la révision de la loi fondamentale. A la suite de cette présentation, j’ai réagi et demandé qu’il faille clairement me convaincre en me montrant que la révision de la Constitution n’aboutira pas à une nouvelle République.
Aviez-vous été convaincu ?
Une nouvelle République suppose que l’on fasse table rase du passé, avant la révision de la Constitution. C’est-à-dire remettre le compteur à zéro et reconquérir le Pouvoir d’Etat. Jusque-là, je ne suis pas convaincu qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle République. Ma position n’a pas varié.
Laquelle ?
Je ne veux pas d’une révision opportuniste de la Constitution. A l’étape actuelle, on ne peut pas envisager une révision de la Constitution. Je vous disais tantôt que lors de la retraite parlementaire de la majorité présidentielle à Parakou, je m’étais opposé au principe même de révision de notre Constitution.
Donc, vous soupçonnez une nouvelle République dans le processus de révision de la Constitution en cours ?
Si vous voyez comment le gouvernement et son chef insistent sur la révision de la Constitution, il y a problème. Cette insistance seule fait réfléchir. La Constitution n’est pas une affaire individuelle. Elle concerne tout le peuple béninois. Alors, il faut associer tout le monde, toutes tendances confondues, au processus. Au lieu de cela, on marche pour soutenir la révision de la Constitution. A-t-on besoin de marcher ? C’est tout cela qui rend l’entreprise de révision suspecte. Pourquoi marche-t-on ? Pourquoi organise-t-on des marches ? On nous montre le côté d’or de la révision. On parle de l’institutionnalisation de la Cena, la création de la Cour des comptes, l’imprescriptibilité des crimes économiques. Mais, ce qui se cache derrière est fort.
Quelle est l’ambiance qui règne entre vous et vos collègues du même groupe dans le contexte actuel ?
Je suis député de la majorité parlementaire et non de la mouvance présidentielle. Il faut faire cette différence dans la mesure où je ne suis pas élu sur la liste Fcbe (Force cauris pour un Bénin émergent, Ndlr). Je soutiens le Président Yayi Boni. Et ce soutien ne date pas de 2006. Donc, être de la majorité parlementaire ne signifie pas qu’on a perdu tous ses sens. Nous nous refusons foncièrement de mentir au Président de la République. Quoi qu’il arrive, nous allons exprimer ce que nous pensons juste. Nous allons applaudir ce que nous pensons bon. Ce qui n’est pas bon, on le dira aussi. Qui refuse donc qu’on lui fasse des observations sur les actes qu’il pose, ne peut pas progresser. Nous pensons que tous ceux qui ne font qu’applaudir le gouvernement, n’aiment pas le Président Yayi Boni. Nous voulons lui rendre service en disant ce que nous pensons être vrai ou faux. C’est à lui de nous convaincre qu’on est dans le faux ou pas.
S’il vous était permis de donner conseil au Chef de l’Etat, que lui diriez-vous ?
Je lui dirai de laisser les choses évoluer de façon naturelle, c’est-à-dire de ne pas les forcer. L’organisation des marches n’est pas bonne. Je dis non à toutes tentatives pour nous influencer afin d’aboutir à une révision de la Constitution.
Pensez-vous que la révision de la Constitution n’aboutira pas ?
Cela ne dépend pas de moi. Il ne dépend pas aussi de ceux qui marchent. Ça dépendra de l’Assemblée nationale.
Alors quel appel lancez-vous au peuple béninois ?
Je suis un représentant du peuple. Malgré mes difficultés, je reste collé à mes populations. C’est le peuple qui a élu les députés. C’est eux qui constituent la représentation nationale. Les Béninois, s’ils sont conscients qu’ils ont envoyé des députés dignes à l’Assemblée nationale, n’ont qu’à se calmer. Les députés satisferont l’aspiration profonde du peuple.
Interview réalisée par Jules Yaovi Maoussi
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