EMMANUEL DAUMAS ET LES NEGRES DE GENET ECLAIRENT L’EDITION 2011 DES NUITS DE FOURVIERE.
Et 1 ; et 2 ; et 3 ; et 4 ; et 5. Jamais un sans deux dit un adage populaire ; Emmanuel Daumas et la bande de béninois sont allés jusqu’à cinq. Cinq soirées de bonheur et de plaisir théâtral. Cinq soirées différentes de créativités et d’inventions sans jamais de clichés ni de routines encombrantes et puantes.
Les 20, 21 ; 22 ; 23 et 24 juin dernier, au théâtre du point du jour de Lyon, la grande attraction dans le cadre de l’édition 2011 du festival des Nuits de Fourvière, a été la représentation réussie par quelques béninois et une Franco-Guinéenne sous la direction du désormais grand metteur en scène Emmanuel DAUMAS assisté d’un homme à la vue juste et au doigté pertinent : Vincent DESLANDRES. Son regard extérieur-il n’était pas à la création du spectacle- a permis d’extirper nombre de déchets et de lourdeur artistiques. Il a notamment réinventé et donné aux jeux d’acteur toute sa vitalité ; sa fluidité et sa simplicité, aussi.
Respectant les exigences de Genet, le metteur en scène a réussi à faire jouer que des noirs d’Afrique devant un public de blancs. Et ceux des noirs devant joué des rôles de blancs ont fait peindre leurs visages de blanc. Bien plus, les acteurs ont été tous recrutés dans le pays où la scène décrite par Genet dans son œuvre a semblé s’être passée. Félicité, négresse et personnage essentielle de l’histoire, mémoire des nègres dans cette aventure « tragique » pour la race blanche n’a de cesse évoqué « Dahomey » actuel Bénin, la terre de ses ancêtres.
Le décor : Au fond de la scène trône un géant dispositif en fer bardé de lampes néons, symboles même d’une Afrique male éclairée malgré tout son soleil. Côté cour, une table peinte en noire où sont disposés quelques accessoires dérisoires. Côté jardin, un praticable en forme de conteneur porte dressées trois chaises en plastiques où sont écrits : Le gouverneur ; le juge ; la reine. Au centre, un catafalque tout drapé de blanc et orné de fleurs artificielles avec à son sommet supérieur, la photo de la « morte »…..
Le spectacle : Tout commence par une entrée sur scène bien mesurée et sobre au côté cour d’un groupe d’acteurs noirs aux visages peints de noir avec sur la tête des perruques noires défrisées. Au même moment, apparaissent sur le conteneur d’autres acteurs noirs mais aux visages peints de blanc. Puis place au menuet dont l’exécution par les nègres a effaré aussi bien le vrai public que les acteurs jouant au public blanc. Et très vite le grand jeu des acteurs s’est révélé au public. Une très grande maîtrise du texte et des différents jeux a été constaté. La simplicité du jeu et sa clarté ont révélé les tours, détours et contours de l’œuvre de Genet taxé depuis toujours d’auteur compliqué et ennuyeux. Rarement les quiproquos ; les allusions ; le théâtre dans le théâtre, les « entrées-sorties », les « sorties-entrées » les suspensions en pleine phrase et en milieu d’action ont été montrés avec autant d’ouverture, de simplicité, de dynamise et de clarté dans l’œuvre de l’éternel provocateur, poète des couleurs : Genet Jean.
Très rapidement, le spectacle s’est transformé comme en une grande fête dans un village africain où les habitants, tous masqués se donnent à cœur joie aux critiques acerbes contre le colonisateur, blanc sans jamais exprimer la moindre plainte ; la moindre lamentation sur leurs sorts. Ils sont si fiers de ce qu’on les oblige à être qu’ils ont transcendé le mépris ; l’humiliation pour n’être que des Hommes. Rien que des Hommes. Et c’est eux qui se moquent à présent non sans délectation de leurs bourreaux ….Les caricatures, autres socles du spectacle pleuvaient de tous les côtés. Et même au plus profond de l’exagération dans le jeu, les acteurs sont si justes qu’ils intéressent toujours….
A l’opposée de certaines critiques, je crois, après avoir vu cette série de représentations sur l’œuvre de Genet, que c’est plutôt la lecture que l’on donne de cette pièce qui ennuie et non la pièce elle-même.
L’exemple de monsieur Roger Blin est encore là pour nous édifier. Longtemps après ce dernier, qui seul jusque là a su nous faire entrer dans les profondeurs de cette pièce avec justesse et précision, Emmanuel DAUMAS et son assistant viennent eux aussi de montrer une version dont la postérité parlera pendant longtemps peut-être.
Pourtant les deux premières représentations tenues à Cotonou étaient loin d’être une réussite. C’était plutôt un travail à la va vite. Le public béninois a plutôt eu droit à un travail en chantier sans une vraie direction d’acteurs ni une grande maîtrise du jeu. C’est bien cela l’image que les acteurs béninois adulés à Lyon ont laissé dans les mémoires ici au Bénin avant de s’envoler faire le miracle outre Atlantic.
Seulement, qu’il soit blanc ou noir, le public a droit au même respect; aux même exigences de qualité. Même si l’entrée au spectacle est gratuite.
Prochaine tournée des nègres en France : mars, avril 2012.
- 1er mars : départ de Cotonou
- 2 mars : arrivé à Paris
- 3 mars : Paris/Toulouse
- 4 mars : montage et répétitions en parallèle (dans une autre salle)
- 5 et 6 mars : répétitions
- du 7 au 10 : représentations
- 11 mars : Toulouse/Villefranche
- 12 mars : montage et filage
- 13 mars et 14mars : représentations
- 15 mars :montage et filage à Tassin-la-Demi-Lune (banlieue ouest de Lyon)
- 16 mars : représentation
- 17 mars : Lyon/Montpellier
- 18 mars : montage
- 19 mars : répétitions
- 20 au 23 mars : représentations
- 24 mars : Montpellier/Valence
- 25 mars : montage
- 26 mars : répétitions
- 27 et 28 mars : représentations
- 29 mars : Valence/Givors (près de Lyon)
- 30 mars : montage et filage
- 31 mars : représentation
- 1er au 4 avril : 2 ou 3 dates au Théâtre du Point du jour ? (en discussion)
- 5 avril : montage et filage à Meyzieu (à l'est de Lyon)
- 6 avril : représentation
- 7 avril : Lyon/Paris
- 8 avril : Paris/Cotonou