« Le Bénin
trouverait 860 millions à mettre aujourd’hui dans le Fitheb ? »
Face aux nombreux disfonctionnements enregistrés
dans le cadre de l’organisation de l’édition 2014 du Festival international de
théâtre du Bénin et à la suggestion du report du festival, les acteurs
culturels ont commencé par donner de la voix. C’est le cas du metteur en scène Isidore Dokpa, qui a tenu à
mettre en garde non seulement les autorités en charge de la culture mais
également, les responsables impliqués dans l’organisation du Fitheb contre ce
complot qui se prépare contre les professionnels du théâtre. Il évoque le
retard dans le décaissement des fonds nécessaires et la nécessité de faire
renaître le Fitheb de ses cendres. Lisez-plutôt.
Votre création
théâtrale « La tragédie du roi Christophe » a été programmée pour le
Fitheb 2014. Pensez-vous pouvoir la
présentez ?
A mon avis oui. Mais aux dernières nouvelles, le directeur du
Fitheb nous informe que pour des raisons sanitaires, surtout à cause de la
maladie à virus Ebola, le Fitheb est reporté sine die. C’est là toute
l’inquiétude. Je dois avouer que dans un 1er temps, si réellement le
pays court des risques de la maladie à virus Ebola, il est de sagesse que
l’évènement soit reporté parce qu’on s’ imagine la catastrophe que cette
maladie cause dans les pays touchés. On pourrait donc préserver la vie des
populations, des acteurs culturels en déplaçant l’évènement de quelques mois.
Mais en profondeur, de quoi cela retourne ? Je n’en sais rien. Si cela ne
tient qu’à cette raison, j’y adhère.
Mais vous savez bien
que le Bénin n’est pas touché par cette maladie. Ne pensez-vous pas que les
raisons de ce report sont ailleurs ?
Le Bénin n’est pas touché par cette maladie, c’est vrai qu’il
y a eu quelques cas de spéculation testés, mais il s’est avéré que le Bénin
n’est pas touché. Si le ministère a pu mettre ce communiqué qui est parvenu à
nos compagnies de théâtre signé du directeur du Fitheb, ça veut dire que l’Etat
béninois a des raisons de s’inquiéter.
Mais apparemment le
ministère n’était pas informé de cette correspondance avant qu’elle ne parvienne
aux compagnies.
Je voudrais toute proportion gardée, dire que si les raisons
sanitaires évoquées ne sont que des raisons inventées de toutes pièces, là je dirai
que j’ai mal. Parce que nous sommes déjà reconnus pour un pays dans où les
évènements majeurs ne sont jamais tenus à bonne date. Vous avez encore en
mémoire, les élections communales, municipales et locales. Alors dire que le
Fitheb est reporté sine die et que ce report ne relève pas de l’autorité de
tutelle du Fitheb, je voudrais simplement manifester quelque inquiétude pour
mon pays. Si tant est que le ministère n’est pas associé à la décision de Mr
Ousmane Alédji, qu’attend-il alors pour
donner les moyens financiers qu’il faut pour l’organisation du Fitheb ?
Nous sommes en novembre à moins d’un mois du festival. A la rencontre du lundi passé, dans son speech,
Ousmane nous a confirmé que les signaux pour
organiser un bon festival, c’est effectivement les moyens financiers, les
moyens de communication, la mise à jour des salles devant accueillir les
représentations et bien d’autres choses ne sont pas au
beau fixe. Faites un tour dans les lieux qui doivent abriter ces
spectacles, tout est encore poussiéreux. Si Ousmane Alédji a été obligé de
balancer cette décision, cela va en défaveur du ministère. Si le ministère a
cru devoir lancer des reformes pour sauver le Fitheb, si ce sont les reformes
qui nous conduisent maintenant à ce cafouillage, à cette pagaille où l’Etat n’a
pas pu mettre à disposition les fonds nécessaires, je dis c’est dangereux. Mais
là, ça pose un problème. Est-ce que
notre pays veut vraiment du Fitheb ?
Ne pensez-vous pas que
ce 3ème report risque encore de plonger le Fitheb dans un coma
profond ?
Nous en sommes à un 3ème rapport, un 1er
pour raison de francophonie et un autre qui est sine die pour raisons, dit-on,
sanitaires. Je crois que nous sommes entrain d’ensevelir le festival. Nous
devons faire en sorte que ce festival, au lieu d’être enterré, puisse renaître
de ses cendres. Et pour que le festival renaisse de ces cendres, la
responsabilité est à tous les niveaux.
Et si on devrait situer
les responsabilités au niveau de tous les acteurs impliqués dans l’organisation
du festival, que direz-vous ?
Je commencerai d’abord par le chef de l’Etat lui-même. Si
nous avions à la tête de ce pays, quelqu’un de culturel, le système ne serait
pas dans cet état. Avez-vous jamais vu le président de la République aller voir
un spectacle de théâtre, une exposition photo ou une exposition d’art
plastique ? Avez- vous jamais vu les différents ministres de la Culture
que nous avons eus sous le régime de monsieur Yayi aller voir un spectacle de
théâtre pour leur propre plaisir? Non. Cela veut dire tout simplement qu’ils ne s’y connaissent
pas ; qu’ils n’ont pas la fibre artistique nécessaire. Le 1èr niveau de responsabilité est le Chef de l’Etat qui a toujours vu et traité le secteur de la culture comme là
où il faut envoyer un militant politique et non pas un cadre technique capable
de concevoir et de conduire une politique culturelle ambitieuse ; la
preuve : celui qui est à la tête du ministère en ce moment est là parce
qu’il a montré ses limites ailleurs ; le 2ème
est le ministre de la culture. Qu’a-t-il fait ce monsieur depuis pour qu’on
puisse avoir les moyens afin d’organiser le Fitheb 2014 ? Ce n’est pas à
la mi-novembre qu’il faut donner les moyens au directeur pour qu’il fasse le
Fitheb ! Selon mes investigations, le directeur a déposé son budget
depuis le mois d’avril dernier, aussitôt
nommé en février. C’est la preuve de sa capacité et de son ambition à faire une
belle œuvre. Et depuis ce temps, plus rien. Pas de décaissement ?
Vous, acteurs
culturels, qu’avez-vous fait pour mettre une pression sur le gouvernement afin
qu’il décaisse les fonds ?
Avant que nous n’arrivions aux acteurs culturels, je voudrais
également évoquer la responsabilité du directeur du Fitheb. Lorsque les signaux
sont au rouge ou à l’orange si vous préférez, il
revient au directeur du Fitheb, de mobiliser les associations culturelles, les leaders d’opinion dans le secteur, les opérateurs
culturels afin qu’ils puissent engager des plaidoyers en direction du pouvoir.
Vous convenez avec moi, que dans le mensuel du Fitheb, les annonces qui ont été
faites, nous informent que le Fitheb aura lieu et que
tout se passait très bien et que nous
aurons même un label ! Je pense que le directeur a fait économie de
vérité à ce niveau là. Il n’a pas en temps réel appelé au secours. Il n’a pas
collaboré avec les associations sur le terrain de manière à fédérer les énergies pour engager
une campagne en direction du gouvernement. Vous avez vu tout ce qui s’est passé
quand le Cos-Lépi a fait comprendre aux béninois, que l’institution n’avait pas
les moyens pour organiser les élections ? Les politiciens ont marché dans
les rues et le gouvernement a fait un repli vite et net.
Et en ce qui concerne
les acteurs culturels ?
C’est là le grand mal de notre théâtre ou de nos
arts si vous voulez. Lorsque vous êtes acteur culturel et vous n’avez pour
aptitude, que d’aller chanter et danser au domicile du Chef de l’Etat, les
jours de l’an, danser, faire des sketchs pour plaire au président de la
République, vous ne pouvez pas militer pour des causes nobles. Lorsque vous
êtes en quête permanente de financement et autres prébendes au fonds d’aide
alors que vous n’en n’avez ni le mérite ni un projet bancable, vous n’oserez
jamais à dénoncer quoique ce soit du ministère; Parce que vous avez déjà fait le mariage avec
le diable comme on le dit. Nombre d’acteurs culturels sont aujourd’hui comme
des ministres du gouvernement ou des députés de la mouvance, je veux dire des
béni-oui-oui. Parce que craignant pour le rejet de leur demande de financement
au fonds, tellement le pouvoir a tout verrouillé. La tenue effective et à bonne date du Fitheb était un combat.
Et ce combat ne devrait pas être que celui de Mr Alédji! C’est celui de tous les acteurs du monde du
théâtre. Mais, chacun est resté dans son
coin, les bras croisés, calculant et protégeant ses intérêts, et croyant que le
miracle se produira. Et nous voilà bien
pris au piège du pouvoir.
De sources
concordantes, le ministère tient toujours à organiser le Fitheb pour le mois de
décembre prochain. Pensez-vous que c’est possible ?
Ils peuvent organiser l’édition de 2016 pas celle de
2014 !
Pourquoi ?
Organiser un festival de théâtre de cette envergure, ce n’est
pas aller au marché faire le tour des vendeuses et rentrer chez soi. C’est vrai
que le directeur a tout préparé et qu’il ne manque que l’argent. Mais le
directeur a déposé un budget de 860 millions. Le Bénin trouverait 860 millions
à mettre aujourd’hui dans la culture alors que le président de la République
dit qu’il n’y a pas de l’argent pour organiser les élections, socles même de la démocratie et de l’alternance au pouvoir?
Donc vous ne croyez pas
à la tenue de ce festival pour décembre 2014 ?
Oh, vous savez le Bénin mon pays est champion toute catégorie
confondue en matière d’improvisation et de cafouillage. Cela ne me surprendrait
pas que le ministère fasse organiser le fitheb dès ce soir même. Mais Si cela
se fait avec cette annonce qui est déjà lancée et qui a fini de faire le tour
de la planète, ce sera un désaveu pour le directeur du Fthieb et une mauvaise
communication pour le ministère lui même. Dans ce cas, des têtes devront impérativement tombées.
Lesquelles
par exemple ?
D’abord celle du ministre de la culture lui-même pour
défaut de résultat et défaut de coordination car il ne peut pas nous avoir
engagé dans d’autant de réformes pour le bien-être dit-on du Fitheb pour ces
résultats que nous voyons ; celles des hommes et des femmes au sein du
CPS, ce «machin de truc » mit là dit-on pour conseiller ou superviser les
actions du D/Fitheb et qui ferait office conseil d’administration ; j’y ai
des amis très intéressants et même des frères, mais ce n’est pas de cela qu’il
s’agit ici et maintenant. Ils n’ont à aucun moment jouer leur rôle ; ils
n’ont pas donné l’alerte qu’il faut ni contenir le directeur, à mon sens. Et
bien entendu celle du directeur du Fitheb lui-même. A mon sens, il devra en bon
gentleman rendre le tablier pour n’avoir pas pu atteindre ses objectifs
prédéfinis en temps réel malgré toute sa
bonne volonté….. C’est dans ce même pays qu’un certain Gabin Allognon est
passé sur une télévision de la place en tant que Drfm du ministère des
finances. Il a publiquement dit que le Fitheb n’aura pas le financement et
qu’il demanderait à son ministre de ne pas mettre les moyens à la disposition
de l’institution. Je suppose à présent que c’est bien ce qui est fait. Alors,
en son temps qu’est ce que Monsieur Alédji a fait ou dit pour tirer l’attention
sur ce monsieur ? Qu’est-ce que le ministre de la culture ou son cabinet a
fait pour mettre hors d’état de nuire ce monsieur ? Enfin qu’est-ce que le
CPS a fait face à une telle déclaration ? J’invite donc les acteurs de
cette « honte généralisée » à ne pas fuir leurs responsabilités. Je
vous remercie.
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