jeudi 19 septembre 2013

DECISION DCC13 -124 DU 12/ 09/ 2013 RELATIVE A LA NECESSITE OU NON DE L'AVIS MOTIVE DE LA COUR SUPREME AU SUJET DU PROJET DE REVISION DE LA ONSTITUTION DU 11 DECEMBRE 1990 : VOICI CE QU'EN PENSE LE JURISTE PRINCE AGBODJAN!

 

DECISION DCC 13-124 DU 12 SEPTEMBRE 2013 relative à la non-obtention de l’avis motivé de la Cour Suprême sur le projet de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990 : Une décision qui comporte une erreur matérielle !

 
 
La Cour Constitutionnelle par sa décision DCC 13-124 en date du 12 septembre 2013, a dit et jugé que : « la Constitution du 11 décembre 1990 consacre son Titre IV au pouvoir législatif tandis que le pouvoir constituant dérivé, c’est-à-dire la révision de la Constitution, relève du Titre XI de la Constitution ; que si la jurisprudence constante de la Haute Juridiction subordonne l’initiative du Président de la République à l’avis préalable et obligatoire de la Cour Suprême pour la mise en œuvre du pouvoir législatif conformément à l’article 105 de la Constitution, il en va autrement de l’initiative du Président de la République en matière de révision de la Constitution qui relève exclusivement de l’article 154 de la Constitution ; que nulle part, ledit article ne renvoie ni à l’article 105 ni à l’article 132 de la Constitution ; que sa jurisprudence sur l’exercice du pouvoir constituant dérivé découle principalement des Décisions DCC 06-074 du 08 juillet 2006 érigeant en principe à valeur constitutionnelle le consensus pour toute modification de la Constitution et DCC 11-069 du 20 octobre 2011 excluant de toute révision de la Constitution les options fondamentales de la Conférence Nationale des Forces Vives ; et qu’en conséquence le décret n° 2013-255 du 06 juin 2013 n’est pas contraire à la Constitution ».
Loin d’en faire un commentaire à cette étape de la procédure, nous nous proposons d’attirer l’attention de tous sur les quelques problèmes que posent cette décision du 12 septembre 2013.
Venant une fois encore de déposer un recours en rectification d’erreur matérielle au sujet de cette décision du 12 septembre 2013, nous sommes dans la triste obligation de constater que cette décision DCC 13-124 en date du 12 septembre 2013 comporte une erreur et suscite des questions.
Une décision qui comporte une erreur :
A lire la décision, l’on est tenter de dire que la Cour Constitutionnelle confond ses propres décisions. En effet, la Cour Constitutionnelle évoque dans son cinquième considérant ( Instruction du dossier) que « Considérant que la Constitution du 11 décembre 1990 consacre son Titre IV au pouvoir législatif tandis que le pouvoir constituant dérivé, ……. que nulle part, ledit article ne renvoie ni à l’article 105 ni à l’article 132 de la Constitution ; que sa jurisprudence sur l’exercice du pouvoir constituant dérivé découle principalement des Décisions DCC 06-074 du 08 juillet 2006 érigeant en principe à valeur constitutionnelle le consensus pour toute modification de la Constitution et DCC 11-069 du 20 octobre 2011 excluant de toute révision de la Constitution les options fondamentales de la Conférence Nationale des Forces Vives ;»
La Cour pour justifier sa décision évoque deux jurisprudences dont une est fausse. Il s’agit de la décision DCC 11-069 du 20 Octobre 2011. Nulle part, la décision DCC 11-069 du 20 Octobre 2011 n’exclut de toute révision de la Constitution les options fondamentales de la Conférence Nationale des Forces vives. La décision DCC 11-069 du 20 octobre 2011 citée en référence dans la décision DCC 13-124 du 12 septembre 2013 est relative à une requête de Monsieur Armand A.H. BOGNON qui forme un recours pour contrôle de constitutionnalité de la réception par Monsieur Natondé AKE, Ministre du Gouvernement, du certificat ISO 9001 version 2008 au nom de son établissement privé Haute Ecole de Commerce et de Management (HECM) en tant que Directeur Général.
Pour vous en convaincre, il suffit de vous référer au recueil des décisions de la Cour Constitutionnelle 2011 ou de rechercher sur « google » le numéro de la décision (décision DCC 11-069 du 20 octobre 2011).
Dans une pareille situation, la Cour Constitutionnelle sera malheureusement obligée de reprendre sa décision en y corrigeant son erreur.
Une décision qui affaiblit la Cour Suprême
La décision DCC 13-124 du 12 septembre 2013 devrait être une véritable surprise pour le Président de la Cour Suprême lui-même et les membres de cette haute juridiction.
Après la décision DCC 09-087 du 13 août 2009 de la Cour Constitutionnelle qui a cassé l’arrêt n° 013/CJ-CT de la Cour Suprême malgré l’existence de l’article 131 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose que « La Cour suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l'Etat. Elle est également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, ainsi qu'à toutes les juridictions », la Cour Constitutionnelle vient une fois encore d’enlever à cette haute juridiction sa compétence constitutionnelle qui est de donner son avis motivé sur les projets de loi au motif que la loi portant révision est une loi qui doit suivre une procédure spéciale. Elle conclut que le décret n° 2013-255 du 06 juin 2013 n’est pas contraire à la Constitution malgré que la procédure imposée par l’article 105 de la Constitution du 11 décembre 1990 ne soit pas observée.
Et pourtant c’est au Bénin en présence de la Cour Constitutionnelle que le Président de la République du Bénin a demandé en 2004 l’avis motivé de la Cour Suprême sur le projet de loi portant révision de la Constitution en vue de la création de la Cour des comptes !
C’est toujours au Bénin, notre pays, que la Cour Suprême a bel et bien donné son avis motivé sur un projet de loi portant révision de la Constitution instituant la Cour des comptes courant 2005.
En ce moment, le projet de loi portant révision de la Constitution n’était pas une loi devant suivre une procédure spéciale. Il a suffit que cette procédure ait été omise aujourd’hui en 2013 pour qu’on affirme dans une décision de la Cour Constitutionnelle que cet avis n’est pas requis.
Il faut s’interpeller, se préoccuper et s’inquiéter de cette démarche de notre haute juridiction. Au moins sur cette question, le doyen j’appellerai le premier Constitutionnaliste du Bénin encore appelé le « père de la Constitution du 11 décembre 1990 » s’est publiquement exprimé sur la question en opinant que l’avis motivé de la Cour Suprême dans ce processus est « obligatoire ».
Pourquoi la Cour Suprême saisie en 2004 n’a pas déclaré l’irrecevabilité de la requête du Président de la République mais a donné son avis comme l’exige l’article 105 de la Constitution ?
A toutes ces questions, l’on peut ajouter celle relative au renvoi dont la décision a évoqué. Pourquoi veut-on forcément que l’article 154 renvoie à l’article 105 et à l’article 132 de la Constitution avant d’admettre qu’un projet de loi qu’il soit pour réviser la Constitution doit obtenir l’avis motivé de la Cour Suprême ?
Quel renvoi l’article 154 a fait avec l’article 55 lorsque ce dernier dispose que : Le Président de la République préside le Conseil des ministres. Le Conseil des ministres délibère obligatoirement sur:
- les décisions déterminant la politique générale de l'Etat;
- les projets de loi;
- les ordonnances et les décrets réglementaires.
Pourquoi l’article 55 de la Constitution n’a pas expressément mentionné que le Conseil des ministres doit obligatoirement délibéré sur le projet de révision alors même que l’article 154 l’exige ?
Le moyen tiré d’absence de renvoi de l’article 154 à l’article 105 ni à l’article 132 de la Constitution est à notre avis inopérant car pour le constituant à partir du moment où c’est un projet de loi qu’il soit pour réviser la Constitution ou faire autre chose, l’on doit se conformer à cette exigence de l’article 105. Cette position est belle et bien confirmée par la pratique béninoise.
En tout cas , la Haute juridiction est encore attendue sur la requête liée à l’initiateur de cette réforme qui n’est rien d’autre que le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice , de la Législation et des Droits de l’Homme, porte-parole du gouvernement en violation de l’article 154 alinéa 1er de la Constitution du 11 décembre 1990.
Attendons de voir, car ici pour se justifier l’on ne peut pas nous évoquer le principe de l’autorité de la chose jugée car ce principe suppose trois conditions à savoir :
  • identité des parties ;
  • l'identité d'objet ; et
  • l'identité de cause.
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
Si une seule condition manque l’on ne saurait se cacher sous ce principe pour ne pas répondre à cette requête de ce citoyen à moins de montrer qu’on est en manque d’argument.
Serge PRINCE AGBODJANJuriste.

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