mardi 1 octobre 2013

REVISION DE LA CONSTITUTION DU 11 DECEMBRE 1990: JANVIER YAHOUEDEHOU DEMONTE LES ARGUMENTS DE YAYI ET DE SES CLANS.

Dans sa démarche soldatesque et son allure carnavalesque en vue de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990, le gouvernement explique sa détermination par des arguments qui mettent au défi l’intelligence collective de tout un peuple. «Avec la ferme conviction d’avoir toujours raison, vous saignez le peuple de son âme et de ses espoirs ‘’, écrit Alioum Fantouré dans son roman, «Le cercle des tropiques».


Tout se passe comme si le président Boni Yayi et son gouvernement sont dans une logique bien claire : réviser la Constitution ou périr. En effet, contre vents et marées , le président de la République est décidé à avancer au mépris de tout consensus. Lors de sa dernière rencontre avec quelques têtes couronnées au palais de la présidence, il profite de l’occasion pour tenter une fois encore de susciter quelque adhésion à sa cause. Parlant des bonnes intentions qui guident la révision de ses rêves, il laisse entendre : ‘’...Mon ambition le plus ardent pour le Bénin est de le voir devenir avant 2016 un pays développé et modernisé où chacun de ses citoyens pourra vivre heureux ‘’. En d’autres termes, pour Boni Yayi, il suffit de réviser la Constitution pour qu’en 2 ans, il réalise ce qu’il n’a pas pu réussir en 8 ans. Suffit-il de réviser la Constitution pour qu’en 2 ans, le Bénin devienne aussi riche que le Qatar et que les millions de jeunes sans emplois retrouvent le bonheur !?!
Il importe de reconnaître que nulle part au monde aucune Constitution n’a servi de panacée aux maux des hommes si les dirigeants ne font d’abord pas preuve d’une politique de développement éclairée et cohérente. Mais il serait judicieux de faire le tour des principaux prétextes, véritables bâtons magiques qui ouvriront la valise de prospérité, l’eldorado des béninois.

I- La création et l’institutionnalisation de la cour des comptes

La Cour Suprême du Bénin dispose de 3 chambres, dont la Chambre des Comptes. Parler de création ne serait pas juste. Ce que propose Boni Yayi à travers son projet de révision est simplement un changement de statut de cette structure. Au lieu d’être maintenu comme un département de la Cour Suprême, cette structure deviendra s’il y a révision, une institution à part entière comme la Cour Suprême elle-même ou plutôt comme le Conseil Economique et Social parce qu’elle ne disposera d’aucun pouvoir en réalité. Ce qui va changer, ce ne sont que les charges financières qui vont exploser; la mission, les prérogatives et les pouvoirs de la Cour des Comptes seront strictement identiques à ceux de la Chambre des Comptes actuelle. Par contre, le Chef de l’Etat aura beaucoup plus de pouvoir sur la Cour des Comptes qu’il n’en a présentement sur la Chambre des Comptes car, les membres de cette dernière sont désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature tandis que ceux de la Cour des Comptes seront nommés directement par le Chef de l’Etat. Par ailleurs, à l’image de la Chambre des Comptes actuelle, la Cour des Comptes ne sera pas une juridiction ni une structure capable de traduire les auteurs d’indélicatesses en justice. Ses rapports seront destinés au Chef de l’Etat à titre consultatif comme ceux de l’IGE aujourd’hui. Plusieurs interrogations viennent alors à l’esprit:
- Pour ce qui est de la Chambre des comptes actuelle au Bénin, n’a t’elle jamais envoyé de rapports au Président de la république ?
- En a t’il fait quelque chose une fois ?
- Depuis près de 8 ans que Boni Yayi est au pouvoir, Combien de fois a t’il rassemblé les membres de la chambre des comptes pour les écouter ?
- Combien de fois le rapport de la chambre des comptes a t’il été évoqué et étudié en conseil des ministres ?
En somme, ce n’est pas parce qu’on va la transformer en Cour des Comptes qu’elle sera plus efficace et instaurera du jour au lendemain, la bonne gouvernance dans la gestion des fonds publics.
Mais malgré tout ceci, Boni Yayi insiste, prétextant que tous les pays de l’Afrique de l’Ouest disposent d’une Cour des Comptes, sauf le Mali et le Bénin.
Et alors ? Ce n’est pas parce que ça a été fait ailleurs que le Bénin doit le faire tout de suite et n’importe comment quelque soient les conditions et risques pour la paix et la concorde;
Qu’est ce que cela va rapporter de façon concrète ? La Chambre des comptes actuelle a des limites, peut être ! Mais qu’est ce que cette petite transformation apportera radicalement et immédiatement dans la vie des béninois par ce temps de crise économique, de misère, de chômage et de tension sociale? Par contre, ça peut servir de prétexte pour réviser la Constitution et faire peut être plus tard des choses très graves pour le pays.
Face au refus collectif de l’opinion publique, Boni Yayi frappe un peu plus fort: «La création de la Chambre des Comptes est une exigence des bailleurs de fonds».
C’est vrai qu’à un moment donné les danois, avaient souhaité entre autres la création au Bénin de la Cour des Comptes en lieu et place de la Chambre des comptes. Mais vu la tension que cette initiative a suscitée aujourd’hui à cause du timing, quel est le bailleur de fonds qui dira: «C’est ça ou rien même si cela devra mettre le pays à feu et à sang» ?
Quel bailleur de fonds en ferait une exigence et dirait, «même si votre pays doit brûler pour cela, faites le quand même ! c’est mon exigence». Si un tel bailleur existe et nous fait une telle exigence, que Boni Yayi demande à son représentant de venir à la télévision dire au peuple béninois combien il veut nous apporter pour exiger que notre pays soit d’abord brûlé.
Et puis, depuis quand Boni Yayi respecte t-il autant à la lettre les exigences des bailleurs de fonds ? Prenons par exemple le 2ème MCA qui devrait apporter 200 Milliards au Bénin. Les américains ne nous ont-ils pas exigé entre autres:
* Le dialogue secteurs Public-privé
* Le renforcement de la sécurité portuaire
* La restauration des libertés et des droits de l’homme
Pourquoi Boni Yayi n’en fait pas un cheval de bataille afin que notre pays mobilise rapidement 200 milliards ?
Le PVI n’était-il pas une réforme capitale exigée par plusieurs bailleurs de fonds ? Et pourtant Boni Yayi n’a pas hésité à le suspendre !
Cette histoire «d’exigence des bailleur de fonds» semble bien être un grotesque prétexte.

II-Corruption et imprescriptibilité des crimes économiques dans la Constitution

La Constitution du 11 décembre 1990 a déjà défini le cadre légal de lutte contre les crimes économiques à travers l’article 37 qui stipule’’ Les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation, ou d’enrichissement illicite est réprimé dans les conditions prévues par la loi’’. Et c’est à juste titre que la loi N° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et infractions connexes est venue compléter voire renforcer une telle disposition constitutionnelle en prescrivant l’Imprescriptibilité des crimes économiques. Alors, avec le vote et la promulgation de cette loi, point n’est besoin de prétendre vouloir fortifier une telle disposition en la remontant dans la constitution. D’ailleurs et comme c’est le cas partout dans le monde, le délai de prescription des crimes et délits est du domaine de la loi et non de la Constitution. La hiérarchie des normes et le parallélisme des formes, veut que toute loi votée et promulguée soit en conformité avec l’esprit de la Constitution, comme tel est le cas pour la loi sur la corruption. L’autorité nationale étant déjà mise sur pied, que le gouvernement lui permette de se mettre à la tâche que de vouloir encore la déstabiliser.
Cet acharnement pour réviser la Constitution n’est-il pas une recherche de bouclier pour absoudre les scandales antérieurs tels les affaires ICC, CENSAD, Matériels agricoles, OCBN, Centrale énergétique de Allègléta, Siège de l’Assemblée nationale, Avion présidentiel, etc. ???

III- LA CENA

En quoi l’institutionnalisation de la CENA va t’elle booster l’économie ? En tout cas, il n’y a rien d’urgent à ce sujet. La commission électorale nationale autonome (cena) à moins de 20 ans ne peut-elle plus subir l’épreuve du temps ? Pourquoi Boni Yayi tient à institutionnaliser la CENA, qui a servi à le porter au pouvoir ainsi que ses prédécesseurs ?

IV- A force de dire non, à quel moment est-ce qu’on pourra opérer une révision de la Constitution ?

Si la révision de la constitution était de la seule compétence du Président de la république, la constitution aurait prévu qu’il le fasse même par décret. La Constitution n’a pas prévu qu’un seul homme décide de son sort. Qu’est ce qu’il y a d’aussi urgent à modifier la Constitution tout de suite et maintenant ?
La modification de la Constitution dans nos pays africains est utilisée pour s’octroyer habilement un 3ème et un 4ème mandat voire plus. C’est pourquoi il faut s’abstenir de modifier une constitution en période de crise de confiance. A titre d’exemple pratique, On ne signe pas un contrat de mariage ou un contrat entre associés lorsque les différents parties ne se sentent pas en confiance. Près de 8 ans après sa prise de pouvoir, combien d’accords le chef de l’Etat Boni Yayi a t’il respecté ? D’autre part, s’il n’a aucun intérêt dans la révision de la Constitution, pourquoi toutes ces marches ? Depuis quand est-ce que Boni Yayi a organisé des marches pour soutenir un projet économique, ou pour soutenir par exemple une loi des finances envoyée à l’Assemblée nationale ?
Les marches sont des actions politiques pour soutenir son initiateur. Si des marches sont organisées pour soutenir le projet de révision, alors on peut conclure qu’il s’agit d’une révision politique. Et si c’est politique, on a en toute évidence besoin de tous les acteurs qui diront sur quoi, quand et comment la faire.

V- Les antirévisionnistes sont-ils des aveugles ?

Dans le fond, la large majorité des béninois qui disent NON ne sont pas contre la révision de la Constitution. Ils le souhaitent même car il y a des insuffisances capitales qu’il faudra corriger avec de nouvelles dispositions mieux pensées. A titre d’exemple, dans le texte de la Constitution actuelle, la Cour Constitutionnelle est contrôlée en réalité par le Président de la République. Sur les 7 membres de la Cour, 3 sont nommés par le Président de la république et 4 par l’Assemblée nationale. Quelque soit la configuration politique du bureau de l’Assemblée nationale, le Président de la République est sûr d’avoir au moins 1 sur les 4 et au mieux la totalité si la mouvance est majoritaire. C’est une insuffisance assez grave, cependant toute révision de cette Constitution doit passer par un dialogue national et un consensus. Car, quelque soit la pertinence d’une réforme, elle ne peut passer avant la Paix et la Concorde quelque soit le pays !
Les syndicats, les confessions religieuses, bref toute la société civile, l’Union Nationale des Magistrats, les partis politiques, le père de la Constitution actuelle monsieur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, les personnalités politiques dont les anciens Présidents du Bénin Nicéphore SOGLO et Emile Derlin Zinsou, les anciens présidents de l’Assemblée nationale Adrien HOUNGBEDJI et Bruno AMOUSSOU, etc. ont dit NON !!!!
Un président sortant qui cherche à renforcer le pouvoir de son successeur ? C’est tout de même curieux ! La nature humaine fonctionne rarement comme ça ! Elle est en général jalouse de son successeur.
Ce que Boni Yayi n’a pas pu faire en 8 ans, est-ce en 2 ans qu’il peut le faire en modifiant simplement notre Constitution pour que le Bénin devienne un eldorado, aussi riche que le Qatar ou l’Arabie Saoudite en si peu de temps ?
Sans un cadre de concorde nationale comme en 1990, pourquoi insister avec autant de vigueur pour une révision de la Constitution en ce moment ?
Janvier YAHOUEDEOU

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