Bénin – Scandale de l’avion présidentiel : Yayi parle sans lutter contre la corruption
30 janvier 2014 par richard
Le lundi 27 janvier 2014, le Chef de l’Etat, le Dr Boni Yayi a rencontré à la salle du peuple du Palais de la Marina, les jeunes de son pays. A cette occasion, ces adversaires politiques, ses amis d’hier (Patrice Talon, Sébastien Ajavon…), les syndicalistes et certains acteurs de la société civile ont été sérieusement savonnés. Le Président Boni Yayi a même dit que c’est la lutte contre la corruption qu’il a déclenchée qui lui vaut toutes ces animosités. Et pourtant ! Comme l’œil de Caen, le scandale de l’avion présidentiel est là et suit partout le Président de la République qui tarde à sévir comme c’est le cas de son homologue Camerounais Paul Biya.
A l’examen du budget général de l’Etat gestion 2014, certains observateurs s’attendaient à une proposition d’acquisition d’un avion présidentiel. Certains journaux de la place avaient en effet évoqué le sujet. A la lecture, l’ordonnance budgétaire du 2 janvier 2014 semble silencieuse sur la question, ce qui laisse penser que rien n’est prévu en 2014. Mais c’est vrai aussi que ce gouvernement nous a habitués à une indiscipline budgétaire. Le plus amusant est que si le gouvernement avait fait la proposition pour le confort de son chef, les députés de la mouvance présidentielle auraient approuvé cette dépense à un moment où des millions de Béninois peinent à s’offrir un repas par jour. Et bien sûr l’ordonnance aurait intégré cette opération. Personne ne se rappelle plus que le Parlement avait posé en 2010 des questions restées à ce jour sans réponse au gouvernement sur le sort d’un autre avion présidentiel.
L’avion présidentiel : six milliards ?
Au crépuscule du régime Mathieu Kérékou, une opération initiée par l’homme d’affaires Martin Rodriguez avait pour objet d’acquérir un avion présidentiel. Pour des raisons jamais élucidées, cet avion est immatriculé au nom d’une compagnie appartenant à celui-ci. Dès son arrivée au pouvoir en 2006, averti de l’existence de cette transaction, le Président Boni Yayi demande à l’homme d’affaires Martin Rodriguez de céder l’aéronef à l’Etat béninois. Ce à quoi l’intéressé a opposé un refus catégorique, liant la conclusion de cette opération à la résolution des divers contentieux qui l’opposent à l’Etat béninois. Avant même la résolution finale de ces différends, sur la base d’un protocole d’accord, et sans le transfert de propriété de l’avion, ce dernier est envoyé à Cotonou en fanfare. Il est exposé avec fierté comme la propriété du Bénin. Assez vite, les experts se rendent compte que l’appareil, pour voler, a besoin d’être réparé et mieux, pour accueillir la Haute Autorité, il faut aménager son intérieur. Pour des raisons de sécurité, la réparation et l’aménagement sont confiés à un proche du Chef de l’Etat, le Général Robert Gbian, Directeur du cabinet militaire du Président de la République à l’époque des faits. A cette époque, tous les experts civils et militaires se sont posés la question de savoir pourquoi la réparation d’un aéronef est confiée à quelqu’un qui n’a aucune expertise dans ce domaine. En effet, plusieurs experts militaires y compris un des anciens Directeurs du cabinet militaire du Chef de l’Etat sont des experts de l’aéronautique. C’est l’un des domaines où l’expertise béninoise est le plus avérée y compris dans l’armée. Mais pour des raisons de «sécurité», cette opération sera confiée à un Intendant militaire, c’est-à-dire quelqu’un qui sait probablement compter et dépenser l’argent, mais qui ne sait pas réparer un avion. A bout de course, après avoir dépensé six milliards de F Cfa, l’avion n’est pas en état de transporter le Président de la République qui demande aujourd’hui aux contribuables béninois de payer un autre avion. Le pire est que nous avons entre temps, continué de dépenser des milliards de F Cfa en affrètement, et nous avons failli perdre notre Président et une forte délégation au cours du premier vol présidentiel. Où se trouve en ce moment l’aéronef présidentiel ? Où sont passés les six milliards de F Cfa dépensés ? Combien ont touché comme frais de mission et autres indemnités les personnes impliquées dans cette opération ? L’avion appartient-il aujourd’hui à l’Etat béninois ? Que peut-on tirer aujourd’hui de sa vente si cette option est prise ? Ces questions sont légitimes au regard des sommes englouties dans sa réparation et de l’accident évité de justesse pendant son vol inaugural.
Lutte contre la corruption : l’impunité est la règle
Ce dossier rappelle étrangement et fortement l’opération «Albatros» au Cameroun. Il s’agissait là aussi d’un avion présidentiel. Après avoir englouti des milliards de F Cfa dans une telle opération, Paul Biya échappe à un accident au premier vol présidentiel. Dans une fureur froide, le Président Biya poursuivra méthodiquement les ministres et haut-fonctionnaires impliqués dans l’opération. Plusieurs d’entre eux sont encore en prison aujourd’hui. Le Cameroun et le Bénin sont respectivement 144è et 94è dans le classement de Transparency International. Au Cameroun, des comptes ont été demandés et rendus. Au Bénin, les champions de la reddition des comptes se protègent entre eux. Ce qui fait dire à certains que l’impunité est la règle dans la lutte que mène Boni Yayi contre la corruption. Au mieux des cas, cette impunité est à double vitesse. Cela a été mis en évidence dans le cas récent du Directeur général de la CNSS. Combien a détourné Expédit Houéssou, ancien Directeur général de la Sonacop pour se retrouver derrière les barreaux de la prison civile de Cotonou depuis bientôt un an ? Qu’ont fait les ministres Noudégbèssi, Lawani, Fassassi et consorts, qui justifie une mise en cause alors que se pavanent des fonctionnaires impliqués dans la gestion des six milliards de F Cfa de l’avion présidentiel. Il a bien fallu que les Américains n’accordent pas le second compact du MCA au Bénin pour que le Gouvernement du Dr Boni Yayi reconnaisse que la lutte contre la corruption reste un problème dans notre pays. Et comme l’impunité est une incitation à la récidive, des indiscrétions nous indiquent que les mêmes personnes impliquées dans l’acquisition du fameux aéronef présidentiel sont aussi impliquées dans l’acquisition d’autres avions, notamment ces petits avions de surveillance du territoire qui malheureusement sont cloués au sol.
Affissou Anonrin
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