mercredi 4 mai 2011

DES NEGRES JOUENT LES NEGRES DE GENET


« LES NEGRES » DE JEAN GENET MONTRES PAR QUELQUES « NEGRES » DU BENIN. Les 8 et 9 avril au Centre Culturel Français de Cotonou, a eu lieu l’épilogue d’une aventure commencée déjà en décembre 2010 autour de monsieur Emmanuel DAUMAS, metteur en scène français pour la création de la pièce de théâtre « Les nègres » de Jean GENET, provocateur universel, polémiste, poète de la théorie des races et des rapports humains. Une pièce compliquée ; un auteur incompris jusqu’à la mort et des acteurs qui ne partagent pas toujours les mêmes réalités que lui, du moins dans les formes tel que l’auteur les a abordées. Pour le public présent lors de ces deux soirées de « monstration », la mention serait bien ; même très bien. Comme à l’accoutumée, c’est bien les expatriés, notamment des hommes et des femmes de peau blanche qui ont été les plus nombreux dans la salle. Evidemment, ils ne sortent de leur « tour d’ivoire » pour le théâtre que lorsque l’œuvre est signée d’un metteur en scène européen, ou lorsqu’il s’agit d’une compagnie venue directement du nord. Cela, les théâtreux béninois le savaient. Et cette pièce destinée à être jouée devant un public de blancs a eu sa cible privilégiée comme l’avait insinué monsieur à l’écriture du texte. Pendant plus de deux heures d’horloge, les deux catégories d’acteurs « les nègres » et « les blancs », dans un décor brut et presque nu, ont redonné vie et sens à ce texte ; raviver ses multiples couloirs ; habiter ses nombreux récits émaillés de suspension, de quiproquo et de déviation non sans intérêt dramatique et artistique. Mais pour en arriver là, que doutes, que d’angoisses et que d’inquiétudes durant les répétions ; ces moments parfois longs, pénibles et ennuyeux au cours desquels il fallait décrypter et comprendre ligne après ligne la pensée de GENET ; ses non-dits ; ses à propos et ses fantasmes, aussi. D’Humbert à Ernest, de Nathalie à Eliane sans oublier tous les autres, je nous ai parfois, pardon, souvent vu douter de l’orientation que prenait le metteur. Douter ? Le mot n’est pas assez juste ; je nous ai souvent vu et entendu nous inquiéter, craindre et nous interroger sur le résultat final. Cela, loin de me rassurer pour la suite du projet, me plongeait comme il a souvent plongé nombre de mes camarades notamment Mathieu, Humbert, Alfred et bien d’autres dans l’exploration de nouveaux horizons de jeux à proposer au metteur en scène dont la méthode laisse beaucoup trop la liberté à l’acteur ; une démarche sans frontières où rien n’est fixé jusqu’à la représentation. Dans ce registre, la tentation est grande mais très grande alors de vouloir changer à tout bout de champ surtout dès la moindre difficulté, au lieu de penser améliorer l’existant. Cette liberté, que dis-je, cette légèreté dans la gestion et la direction des acteurs nous a inéluctablement conduits aux nombreux cas d’indiscipline : des absences et retards sans motifs ; des permissions fantaisistes toutes accordées par le metteur en scène ; des retards inquiétants dans la maitrise et l’appropriation du texte ; des crises d’humeur et d’éducation de certains acteurs, notamment Eliane qui refuse le repas quotidien offert par la production et en réclame le montant ; Nathalie qui pleurniche sans cesse estimant qu’elle n’était pas aimée de tous dans l’équipe ; Joël qui, désigné facilitateur ou coacher du metteur scène, croit pouvoir tout se permettre, manquant parfois de politesse et de respect à son fofo Kombert - pour ses insuffisances et ses maladresses ; et il en a vraiment le fofo- d’une part et méprisant constamment les plus jeunes du groupe, d’autre part…. De petites situations qui, rapprochées l’une de l’autre, montrent bien que c’est des « nègres qui jouent aux nègres » devant des blancs…. Bref, c’est malgré tout cela que nous sommes arrivés à donner cette série de deux représentations dont je ne suis pas particulièrement déçu, surtout la première. On aurait pu faire mieux, j’en suis certain vu la foi et la détermination non seulement des acteurs dans leur immense majorité mais aussi celles de la production et de l’équipe technique chargée du décor et de la régie… Regardant à présent dans le rétroviseur, je peux dire qu’au-delà des consignes du metteur en scène et de tous ses efforts durant les répétitions, chaque acteur a dû faire appel à ses ressources intérieures et personnelles pour venir à bout de ce texte très difficile et particulier aussi bien dans son style, sa progression et son élaboration. Jean GENET ne n’évoque rien pour le communs des béninois, encore moins aux théâtreux de ce pays qui ne dispose pas d’un seul centre de formation théâtral. Il n’est pas non plus enseigné dans nos écoles et universités. C’est donc un auteur inconnu mais très inconnu à tout point de vue à la plupart des comédiens engagés sur le chantier. Pourtant… En juin, à la nuit de Fourvière, au théâtre du point du jour à Lyon, cette création est attendue pour une série de quatre ou cinq dates. Vivement que l’équipe retrouve plus de cohésion ; que la responsabilité soit collégiale désormais ; que l’esprit d’équipe et de « famille » prédomine à tout individualisme préjudiciable au travail et aux Hommes; que les lenteurs administratives ayant conduit au payement tardif des salaires - situation très male managée par le metteur en scène et qui a conduit à quelques frustrations dans l’équipe- soit corrigées. Enfin qu’il y ait un chef ; un vrai capable de dire « non » ou « oui » quand il le faut ; capable de fédérer toutes les énergies positives sans préférence ni pour l’une ni pour l’autre.

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