vendredi 19 juin 2009

Bénin / Liberté de la presse : Fondements et conséquences d’une gestion liberticide des médias.
La presse béninoise comme tout le peuple béninois est préoccupé par la question de la liberté de presse. Mais en réalité de quelle presse s’agit-il et pour quelle liberté ?
Depuis les assises de l’historique conférence nationale des forces vives, la liberté de la presse a franchi un pas mais un grand pas du point de vue de la création des organes de presse : radios, télévisions, presse écrite… et aussi des textes devant régir la corporation.
Aujourd’hui, on peut conclure sans se tromper que les organes de presse (surtout la presse écrite) naissent comme des champions et meurent sans attendre de grandir et sans avoir justifié de la raison de leur naissance.
Dans un pays où le taux d’analphabétisme dépasse les 80 % de la population, on compte plus de 30 quotidiens, plus de 70 hebdomadaires (paraissant tous en français), plus de 40 radios et 5 télévisions (émettant toutes en français et en langues nationales).
Au vu des ces éléments, on est en droit de se demander où se trouve le lectorat de la presse béninoise et qui en sont les acheteurs.
Ces données, à première vue, révèlent une grande avancée dans la liberté de presse. Cette liberté qui transparait dans la quantité des entreprises de presse se retrouve aussi au niveau des titres et de leurs contenus. C’est ainsi que sous les dix (10) ans de présidence de Monsieur KEREKOU Mathieu à la tête du Bénin, des papiers de presse aussi bien injurieux que dégradant pour l’homme ont été publiés sans que personne ne soit inquiétée ; des ministres de la république ; des responsables d’institution de l’état et parfois même de simples citoyens ont été attaqués sans preuve et il ne s’est trouvé personne pour faire le rappel à l’ordre. Bref c’était le règne d’une presse de caniveau solidement installée et entretenue comme tel par le pouvoir central et tous ses barons.
Le président KEREKOU lui-même disait publiquement à propos des papiers des journalistes « …Ecrivez, publiez, dites de moi et de mon gouvernement tout ce que vous voudrez ; tant que cela peut servir à vous nourrir, vous ne risquez aucune poursuite ». Voilà comment est parti ce qu’on confond à ce jour à la liberté de la presse au Bénin ; voila l’une des raisons de la création à temps et à contre temps des entreprises de presse et voilà aussi le point de départ de la confusion totale de qui est journaliste et de qui ne l’est pas, de que peut dire ou écrire un journaliste et où doit-il s’arrêter…
Ainsi pendant dix (10) ans des hommes et des femmes pour la plupart des étudiants, des vacataires en milieu scolaire ont pris d’assaut le milieu de presse écrite et de la presse audio visuelle où avec impunité ils ont « détruit » la vie et l’honneur de loyaux serviteurs de la république et d’honnêtes citoyens avec leurs plumes et leurs micros.
Le couronnement de toute cette pagaille est que reporters sans frontières pour des critères qui lui sont propres est venue surclassé le Bénin au titre des pays où règne la liberté de presse au plan africain et au plain mondial devant des nations comme la France, l’Afrique de sud et bien d’autres… sans tenir compte de la qualité des productions ni du niveau des hommes et des femmes à charge desdites productions.
Une telle couronne loin de nous faire réfléchir sur nos réels mérites a tôt fait de nous plonger, tout le Bénin entier et la presse en particulier, dans une profonde et excessive jubilation. Et c’est à coup de musiques et de danses, de vains, de champagnes et autre liqueurs de référence que l’événement à été célébré par les différentes associations des Hommes des médias en présence d’autorités à divers niveau.
En octobre 2007, la quasi totalité des organes de presse a accepté de se faire bâillonner par l’état en passant un contrat dont le contenu montre clairement combien le gouvernement est peu friand de la liberté de presse et combien les patrons de presse n’ont autre souci que l’argent quelles que soient les circonstances où ils le gagnent. Ce contrat longtemps dénommé « le contrat de la honte » est bien l’acte par lequel des entreprises de presse ont vendu leurs âmes et leurs libertés au pouvoir contre un rien du tout.
Mais la lune de miel de cette alliance contre nature ne devra pas durer longtemps ; tel un château de sable érigé au bord de la mer, notre pseudo liberté de presse consacré et intronisé au sommet de la presse africaine et mondiale va s’effondre rapidement. Un journaliste a été placé en garde à vu pour avoir mis à la une de son canard que l’un des fils de l’actuel chef de l’état serait gravement atteint de la démence… Autrefois, des papiers de ce genre n’ébranlaient aucunement le sommeil du roi ; mais les temps ont changé ; le roi aussi. Le nouveau roi tient non seulement à son image mais aussi à sa main mise ferme sur la presse pour ne pas dire sa folklorisation et à sa crétinisation.
La presse aura de l’argent, beaucoup d’argent, tout l’argent qu’elle voudra pour faire son travail et pour communiquer sur les actions du pouvoir mais toute dérive ou toute vérité qui n’arrange pas le roi doit être puni avec la dernière rigueur.
Pour une fois, la presse entière s’est mobilisée pour exiger plus de liberté et la dépénalisation des délits de presse. Tien !tien ! Tien ! Il y a donc des délits de presse par ici?

VOUS AVEZ DIT DEPENALISATION DES DELITS DE PRESSE ?

Dans le contexte béninois, pour ce que je maitrise le mieux, il serait un risque dangereux que de dépénaliser les délits de presse à l’étape actuelle du niveau de responsabilité et de professionnalisme des hommes et des femmes qui animent ce secteur.
Dans un pays où la presse est encore financée par ces principaux protagonistes que sont les partis politiques, le religieux et les Hommes d’affaires très actifs dans la politique, la question de la liberté de la plume du journaliste ne peut- être qu’un leurre, un vœu sans lendemain. En tant que tel, le journaliste doit donc pouvoir faire face aux risques liés à sa profession et faire preuve de responsabilités sans chercher des échappatoires. La presse est un métier à risques comme tous autres….
L’honneur d’un être humain, lorsqu’il est atteint, ne peut être rétabli; dans le contexte actuel des choses où des journalistes signent des papiers dont ils n’ont aucune connaissance, des articles écrits par procuration, on ne peut prendre le risque de compter sur des sanctions administratives comme le retrait de la carte de presse ou autre amande à infliger aux indélicats pour « nettoyer la maison presse ».
Le plus souvent même, c’est les pouvoirs financiers ou politiques commanditaires de la bêtise qui sont aptes à faire face aux amandes à payer ; de même, la carte de presse pour le moment n’ayant pas plus de valeur que le journaliste lui-même, son retrait n’a aucun impact sur les journalistes indélicats ; avec ou sans carte professionnelle ils continuent à exercer.
Au Bénin, quitter un organe de presse pour un autre quelle que soit la faute que vous avez commise est sans protocole ; c’est comme quitter sa chambre pour son salon.
La liberté ne peut être confondue à une indépendance ni à une immunité. Un journaliste libre dans l’exercice de sa profession doit être avant tout un Homme conscient professionnellement et humainement des dangers du pouvoir qu’il exerce ; il est d’abord libre au niveau de sa pensée, de son comportement et de la conception qu’il a de ce qu’il fait.
C’est vrai, « un Homme qui a faim n’est pas un Homme libre » disait quelqu’un ; et voilà pourquoi la solution au mal doit être aussi recherchée du côté des conditions de travail des Hommes de la presse ; l’Homme affamé est exposé à toutes les déviances possibles de ce monde ; mais cela suffit-il pour faire des journalistes des supers Hommes, des Hommes absouts d’avance des « crimes » qu’ils seraient emmenés à commettre dans l’exercice de leur métier ? Cela n’emmènerait-il pas un jour les policiers ou les militaires à réclamer une dépénalisation pour toutes bavures commises dans l’exercice de leurs fonctions ? Puisque les Hommes en armes et aux galons, leurs missions premières ne consistent qu’à assurer la sécurité des populations et de leurs biens donc se faisant, ils seraient en droit de demander une dépénalisation pour toutes bavures causées lors d’une telle mission. Mille autres corps de métier pourraient se sentir en droit eux aussi de demander une dépénalisation des fautes liées à leur profession.
A mon humble avis, il faudra simplement que ce qui est valable pour les uns le soit pour les autres ; que les gens de la presse ne soient pas des princes ou des seigneurs armés de tous les pouvoirs absolus et disposant même de l’honneur et de la vie des autres au bout de leurs plumes et de leurs micros. Un peu de responsabilité ; juste un peu de responsabilité et de conscience professionnelle nous mettrait tous à l’abri de bien des dérives et d’éventuelles poursuites judiciaires. La justice équitable doit être le seul recours pour tous.

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